Nous avions déjà cité Mr Richard Wilkinson.
Et voilà que l’équipe Fakir (dont fait partie l’inénarrable François Ruffin) s’est intéressée aux travaux de l’épidémiologiste et est allée à sa rencontre (1).
“Au fur et à mesure que les niveaux de vie augmentent, le lien entre croissance économique et espérance de vie s’atténue. Autrement dit, dans les pays riches, augmenter la richesse ne se traduit par aucun gain supplémentaire en matière d’espérance de vie…
A partir de là, comment apporter de nouvelles améliorations à la qualité réelle de la vie. “
Par ailleurs, “en classant les pays selon leur degré d’inégalité de revenus, on observe une réelle cohérence (ndlr: bien connue): plus les pays sont inégalitaires, plus des problèmes sanitaires et sociaux apparaissent. “
Le lien entre croissance économique et espérance de vie s’atténue donc avec le temps. Mais où se situe le lien entre inégalité et augmentation des problèmes sanitaires et sociaux?
A l’analyse, les études plusieurs faits apparaissent et permettent d’avancer des hypothèses.
« L’inégalité fait dysfonctionner tout le corps social, et les corps tout court… Partons d’un autre angle: la montée de l’anxiété. Nous sommes bien plus anxieux que par le passé, et le taux de dépression a parfois doublé en une quinzaine d’années. L’anxiété précède le retour des inégalités ».
Il faut évoquer un autre élément, bizarre, contradictoire au premier abord: l’estime de soi a massivement grimpé.
De nombreux chercheurs ont travaillé sur ce paradoxe et en sont venus à distinguer deux estimes de soi. Celle associée à la confiance, la capacité sociale… et une autre appelée » défensive : l’auto-valorisation sert de carapace, implique le déni. C’est une estime de soi, à la fois forte et précaire, où l’on se préoccupe excessivement de soi, de son image… on a assisté à la montée de ce narcissisme insécurisé… »
On peut supposer que « le stress le plus puissant pour certains sera lié à l’inquiétude face au jugement d’autrui » et que le renforcement de la menace « a commencé il y a une cinquantaine d’années … L’éclatement des communautés est une explication plausible… »
Entre semblables (à tous points de vue), on redoute moins l’évaluation. Mais quand la société se divise entre eux et nous, la crainte d’être jugé, évalué peut faire son lit.
“ Nous ne sommes pas égaux devant la menace d’évaluation: un haut statut social en préserve largement… A l’inverse, un faible statut social produit de la honte, toute une gamme d’émotions consistant à se sentir bête, stupide, ridicule, inadapté, déficient, insécurisé.”
La menace d’évaluation produirait un stress chronique. Avec comme conséquences, plusieurs troubles physiologiques et surtout, en ce qui nous concerne, une recherche d’apaisement dans les drogues et la nourriture.
Autre constatation, les inégalités accentuent les différences, fabriquent des dissemblables, l’inégalité engendre la division et dans le même ordre d’idée , plusieurs études ont montré que l’amitié nous maintient en forme. Il est sans doute intéressant de relier ceci aux évènements relatifs aux mouvements des gilets jaunes et à aux débats concernant l’accueil des immigrés.
« Nous sommes devenus conscients de l’importance du statut social en soi pour la santé. Ce sont les recherches sur les hormones chez les babouins qui nous ont alertés. Ce qu’on lisait chez les singes était proche de ce qu’on observait sur les humains. Deux études consacrées aux fonctionnaires ont changé la donne…Un coagulant sanguin (le fibrinogène) a été retrouvé en plus grande quantité chez les fonctionnaires « modestes ». Les singes dominés qui devaient faire face à de nombreuses occasions d’en découdre mobilisaient le fibrinogène en grande quantité. Mais les fonctionnaires, quels périls devaient-ils affronter ? Probablement un stress chronique lié comme on l’a dit à la position sociale ».
Le British Medical titrait récemment The big idea: « ce qui détermine la mortalité et la santé dans une société tient moins à la richesse globale de la société qu’à la répartition égalitaire de la richesse ».
D’accord, dirons nous avec d’autres, quand s’y met-on ?
(1) Réflexions sur base de la lecture de « L’égalité c’est la santé », entretien avec Richard Wilkinson. Ed Fakir.
R. Bontemps