Dans son livre « Le yoga, nouvel esprit du capitalisme », la Française Zineb Fahsi, elle-même prof de yoga, en décode le caractère politique. Le titre du livre fait référence au Nouvel esprit du capitalisme de Luc Boltanski et Eve Chiapello. Il émet de nombreuses critiques que nous avions déjà évoquées dans des articles précédents.
On est toujours à la suite de la révolution culturelle des années 60 qui ont dénoncé l’aliénation de la modernité, la perte de la créativité. Années qui ont vu se développer toutes les théories du développement personnel. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque-là, on se retrouve aussi dans l’ère hippie et ses idéaux mystiques et ésotériques, après la guerre visons la paix.
Tous mouvements qui pourraient nous faire penser qu’on se retrouve actuellement avec les mêmes points d’ancrage. On observe d’ailleurs que le déploiement des écoles de yoga suit celui des appels au retour sur soi et à la recherche de sens.
La recherche du bonheur est à votre portée, il suffit de le vouloir et de mettre en place les mécanismes qui y conduisent ! Nous avions déjà évoqué les poncifs de la pensée positive et son ancrage dans le management des entreprises. Qui colle tellement bien aux thèses néolibérales.
Toutes critiques qui se retrouvent dans le livre évoqué.
Ainsi Zineb Fahsi nous parle de la « Suppression de l’esprit critique » et de « l’effacement des émotions négatives »; elle s’interroge « : la culture yoga lobotomise-t-elle ?
« Disons que, dans certains milieux du yoga, il y a une caisse de résonance importante. Historiquement, cela s’explique par l’influence de la ‘nouvelle pensée’, dont découle la pensée positive, qui dit, en gros, que par le pouvoir du mental, on peut créer notre réalité. Donc, on est responsable de notre bonheur… et, par extension, de notre malheur. C’est extrêmement culpabilisant. Cette pensée positive trouve un écho particulier avec l’avènement du néolibéralisme. C’est le fameux « There is no such thing as society » de Margareth Thatcher : la société n’existe pas, il n’y a que des individus. C’est le mythe de la méritocratie, où chacun peut accéder au bonheur et au succès, ce n’est qu’une question de volonté. C’est commode comme vision, car si on échoue, on ne peut s’en prendre qu’à soi, pas aux causes structurelles des injustices. Là où c’est plus sournois dans la culture du yoga, c’est qu’on va avoir une critique à l’égard de la société de consommation, de la destruction des écosystèmes, mais au lieu de se dire qu’il faut agir collectivement, on parle de développer des stratégies individuelles en consommant de façon respectable »
Heureusement depuis quelques années, à la suite entre autres de Thomas Piketty (une brève histoire de l’égalité), certains économistes incitent les politiques à tenir compte du contexte social dans leurs perspectives stratégiques. Mais quand on voit ce qui se passe en France, c’est un combat qui est encore loin d’être gagné. Et la guerre qui gronde en Europe nous rappelle douloureusement que la névrose de certains efface toute considération humaniste.
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