La retraite aux flambeaux

A l’heure à la retraite est à l’ordre du jour, il est bon de se pencher sur le terme. Terme oui mais début envié pour certains . Voltaire disait déjà : Vous savez que j’ai tou­jours envisagé la retraite comme le port où il faut se réfugier après les orages de cette vie.

Mais oui nous sommes embarqués dans la succession de plusieurs phases qui nous font glisser de l’enfance et ses méandres éducationnels à celle de l’âge adulte encombrée de tâches familiales mais aussi de labeurs pour échouer enfin au fameux port de Voltaire autrement dit la retraite. 

La vie paraît bien difficile si l’on songe que cet enchainement ne laisse guère d’alternative. Mais on a prévu une fameuse compensation à la fin, du même ordre que le paradis, peu importe la religion choisie. Les congés et les vacances ont déjà pour beaucoup un parfum qui leur permet d’humer la retraite avec appétit. 

Ce système – que l’on peut qualifier de social-démocrate, car il accepte d’aménager, au sein du système capitaliste, un espace de droits collectifs permettant de surseoir à la loi d’airain de l’exploitation – fait aussi la part belle à un imaginaire chrétien sécularisé : il semble accepter l’idée que le paradis n’est accessible à la créature que si celle-ci admet de souffrir ici-bas, notamment en gagnant son pain à la sueur de son front

Mais le covid est passé par là. Et les leçons accumulées pendant cette période ont permis de recadrer la manière sinon le sens du travail. 

Pendant ces années de confinement, surtout au début,  les questions de l’utilité du travail et de la qualité du travail se sont invitées dans les réflexions qui alimentaient les débats. De fait un certain nombre de travailleurs ont pu envisager différemment leur relation au travail ,d’abord selon les axes du temps et de l’espace , pour ensuite s’interroger sur l’engagement . 

Tout le monde a pu vérifier, à grands renforts d’happenings vespéraux, la place prépondérante dans ce dispositif social de ce que l’on appelle le back office. Tous ces travailleurs de l’ombre indispensables au bon fonctionnement de la machine consumériste. 

Tout n’est pas oublié, pensons-nous, mais l’ogre capitaliste n’est pas mort. Tout comme pour les questions relatives à l’environnement, il n’aime pas que l’on envisage des changements qui amèneraient des transformations sociales, culturelles et anthropologiques. C’est d’autant plus facile pour lui que les oppositions , les révoltes semblent faire long feu . Comme si elles attendaient la retraite aux flambeaux ? 

Cfr Denis Maillard Philosophie magazine 167

Rappelez-vous Clochermerle

 Au vu des derniers évènements survenus en France la question de la démocratie est posée et avec elle , le thème de la recherche du compromis . Celui-ci devrait être obtenu après confrontation des avis contradictoires et sous couvert de débats peut-être houleux mais qui ne basculent pas dans la violence . 

A en croire certains nous n’avons jamais connu une telle fragmentation . Ceci reste à démontrer . il me semble que les fragmentations ont sans doute toujours existé mais les pôles de rassemblement ont perdu de leur superbe et de leur pouvoir, et le développement des réseaux sociaux donne l’occasion de se montrer . Et quelle meilleure manière de se montrer, pensent certains , que de signaler , avec force parfois, son avis divergent. 

Comment en arrive-t-on là ? Et c’est ici qu’on se replonge dans un bouquin qui date de 1934 , Clochemerle* qui a laissé son nom aux situations liées à des disputes incessantes pour des raisons diverses , dérisoires voire mesquines. 

Clochermerle est un village où il fait bon vivre. Le maire cherche un moyen de mettre en avant la modernité de son village , imagine faire installer un urinoir public. L’urinoir sera installé à côté de l’église et sous les fenêtres de Madame Putet, prude ouaille s’il en est. Aussitôt deux clans se forment autour de cette installation. S’en suivront bagarres dans et autour de l’église, présentation médiatique comme une résurgence de la guerre des religions, appel à l’armée et …un mort. Cet urinoir provoquera même le déplacement des ministres , quittant brusquement Genève et sa conférence pour la paix….

C’est l’opposition entre catholiques et républicains qui a engendré cette spirale. Certains voyaient dans cet objet et surtout dans l’endroit de son installation comme une insupportable contestation de l’ordre religieux . Et les autres dans la même continuité comme un symbole de la victoire république laïque . 

Et c’est ici que se met en route le mécanisme de projection massive. Chacun se braque, s’aveugle, oublie l’art de la nuance et voit comme une défaite honteuse la recherche de compromis. Tellement la position de l’autre , et avec elle, l’autre en personne, est diabolisé.   

Et pour se conforter , se rassurer , éloigner la honte on charge l’autre de mille et un stéréotypes. Ainsi aux Etats Unis , les républicains pensent que 32% des Démocrates sont LGBT ( en réalité 6 %) et les Démocrates pensent que 38% des Républicains sont riches( le vrai chiffre est 2 %)

Mais à qui donc profiterait le crime ? Les élites seraient ceux qui surferaient sur l’opposition . Certains chercheurs abondent en ce sens. Ainsi au Canada on aurait des politiciens et des influenceurs très radicaux qui souffleraient très cyniquement sur les braises …Cette manoeuvre conduit à une augmentation de la polarisation affective parmi le public , qui risque d’entrainer une authentique polarisation idéologique , les gens cherchant des arguments pour justifier leurs ressentis négatifs…ils en viennent à soutenir des positions , dans le but de renforcer leur identité .

 On voit bien comment ce phénomène prend de l’ampleur et Clochemerle est devenu un modèle pour  la planète. 

Le livre peut faire sourire . Puisse son apllication dramatique nous faire réfléchir

( lu dans Cerveau et psycho 153)

  • Clochemerle Gabriel Chevalier 1934 Le livre de poche 

Namaste …et après !

Dans son livre « Le yoga, nouvel esprit du capitalisme », la Française Zineb Fahsi, elle-même prof de yoga, en décode le caractère politique. Le titre du livre fait référence au Nouvel esprit du capitalisme de Luc Boltanski et Eve Chiapello. Il émet de nombreuses critiques que nous avions déjà évoquées dans des articles précédents. 

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Le minimalisme en point de mire

Notre surconsommation n’est que le corollaire du système productif. Une part des produits est liée aux activités qui permettent de les écouler. En fabriquer plus permet d’en écouler plus à moindre prix car plus vous en voudrez plus on fabriquera. Nous avons besoin de politiques pour mettre en place les conditions sociales et économiques (aménagement urbain, moyens de transport, logements isolés…). Impossible dans le cadre actuel qui fait référence continuelle au PIB et à la croissance. Le capitalisme est en contradiction avec l’autolimitation, la concurrence fait obstacle à l’indispensable coopération.

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La sobriété ne passera pas par moi…

On peut continuer à philosopher en ses temps incertains. La sobriété est au cœur de beaucoup de débats. 
Il semble que le terme même amène beaucoup d’allergies comme s’il était porteur de contraintes inacceptables, après que nous ayons déjà dû subir bien des privations entre autres de libertés) en ces années de Covid-19.

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